Un portrait

Une histoire

Abi*

Nigéria

Pays d'origine

18 ANS

Âge

Avertissement 

Les éléments établis dans ces témoignages sont exclusivement tirés des propos tenus par les personnes rescapées secourues par nos équipes depuis 2016 et de nos observations en mer.

Certains récits de vie relatés ici comprennent des scènes d’une rare violence - torture, viol, extorsion, mise à mort et naufrage – qui sont très explicites. Nous préférons vous en avertir.

Les prénoms des personnes qui témoignent ont été modifiés pour préserver leur anonymat et leur sécurité.

De nombreuses organisations intergouvernementales comme le Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (UNHCR) ou l’Organisation internationale pour les migrations (OIM) ont amplement documenté et corroboré ces récits, notamment en ce qui concerne les violences – y compris sexuelles – subies lors du parcours migratoire, en Libye et en mer.

Arrivée en Libye après avoir fui le Nigeria pour des raisons économiques, Abi* est battue, violée et laissée pour morte. La publication de son témoignage, extrait de l’ouvrage Les naufragés de l’enfer de Marie Rajablat, veut faire entendre la voix de ces femmes rescapées qui ont osé raconter les sévices inhumains subis par nombre d’entre elles. 

Témoignage recueilli le 11.12.2016 à bord de l’Aquarius.
 

Abi a eu 18 ans il y a quelques mois. Elle est originaire du Nigeria. Avant-dernière d’une très grande fratrie, elle a quitté la maison familiale avec sa sœur aînée, alors qu’elles avaient respectivement 14 et 16 ans, car il n’y avait pas assez d’argent pour les nourrir. Elles ont vécu dans la rue et se sont débrouillées comme elles ont pu pour survivre. En mars 2015, sa soeur ainée a décidé de tenter sa chance en Europe, sur les conseils d’un ami. Abi partira accompagnée de la tante d’une connaissance de son quartier, le 3 juin 2016.

« La traversée du Niger s’est faite sans problème. Par contre, tout a basculé en Libye… »

Quelques heures après avoir passé la frontière, en plein désert, leur chauffeur a été arrêté par des Asma Boys [hommes armés] et a été abattu sur place. Abi et la tante, terrorisées, se sont mises à hurler. L’un des hommes les a frappées à coups de poings et de pieds. Elles ont été violées toutes les deux par deux autres hommes. Elles ont ensuite été hissées dans un 4X4 et amenées à la ville suivante où elles ont été vendues au propriétaire d’une maison de passe, puis séparées. Si au début, Abi a refusé de se prostituer, elle a vite compris qu’elle risquait d’y perdre la vie : 

« Il m’a emmenée avec lui au dernier étage, il s’est déshabillé et comme j’ai refusé de coucher avec lui, il m’a poussée par terre et il m’a battue avec sa ceinture puis il m’a rouée de coups de pied partout… Il a sorti un couteau et il m’a tailladée… Après, il m’a violée… De tous les côtés…

« Je ne sentais plus rien… Il est venu avec d’autres hommes »

Je suis restée là plusieurs jours, mais je ne sais pas combien de temps exactement… Je sais qu’il partait et qu’il revenait… J’entendais la porte… Je ne sentais plus rien… Il est venu avec d’autres hommes… Je crois que je me suis évanouie… Je ne sais pas combien de temps tout ça a duré… Quand je me suis réveillée, pendant quelques secondes, je ne savais pas si j’étais morte ou vivante. Et puis la douleur est arrivée d’un seul coup… Elle m’a déchiré le ventre et là j’ai compris que j’étais en enfer… J’ai pleuré…

« Si ma famille au pays apprenait ce qui m’est arrivé, ce serait une honte pour elle… Du coup, je ne pourrai jamais plus rentrer chez moi… »

J’aurais tellement voulu rentrer chez moi, revoir ma mère… Mais en même temps, j’ai su à ce moment-là qu’il n’y avait aucun retour possible. J’ai compris aussi ce qui avait dû arriver à ma sœur et pourquoi elle ne me donnait pas de numéro où la joindre

Si ma famille au pays apprend ce qui m’est arrivé, ce serait une honte pour elle… Du coup, je ne pourrai jamais plus rentrer chez moi… »

* Le prénom et la photo ne correspondent pas à la personne qui témoigne ici afin de préserver son anonymat.

Crédit photo : Flavio Gasperini / SOS MEDITERRANEE

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Ibrahima*

« Nous étions 85 personnes à partir de Libye, quatre femmes et un bébé. Après deux jours, notre moteur est tombé en panne. Ce n'était pas facile. J'ai vu tant de mes ami.e.s mourir. Certaines personnes devenaient folles. »

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