Un portrait

Une histoire

Maïmouna*

Côte d'Ivoire

Pays d'origine

17 ANS

Âge

18/02/2020

Date de sauvetage

Maïmouna (le nom a été changé) a 17 ans. Elle, son mari et leur bébé font partie des 276 personnes secourues au cours de trois opérations successives par l’Ocean Viking et ses équipes les 18 et 19 février 2020. Elle raconte ce qu’elle a enduré pour empêcher que sa fille soit excisée. 

Photos : Anthony Jean/SOS MEDITERRANEE

« J’ai fui la Côte-d’Ivoire pour que ma petite fille d’un an et demi ne soit pas excisée. Je ne voulais pas qu’elle subisse ce que j’ai subi parce que ça fait partie de la coutume. Comme moi je sais ce que ça fait, je n’ai pas accepté. Ça n’a pas été facile. Mon mari aussi ne voulait pas qu’elle soit excisée et sa famille n’était pas d’accord avec nous non plus.

Le temps passé est le temps passé, mais aujourd’hui on ne doit plus accepter d’exciser les femmes. J’en souffre beaucoup moi-même. J’ai des douleurs quand je suis avec mon mari, souvent ça me fait mal. Je ne peux pas accepter qu’on fasse ça à mon enfant. Mon mari aussi est contre le fait qu’on excise son enfant parce qu’il sait que j’en souffre moi-même.

Mon mari est un homme bon. C’est lui qui m’a donné le courage de me battre.

On est partis pour l’Algérie mais on a été refoulés, alors on a pris la route de la Libye. En Libye, il y a tellement de prisons [NDLR : Maïmouna parle ici de centres de détention] ! On s’est retrouvés en prison plusieurs fois.

J’avais prévu de contacter mes parents en arrivant, ils ont refusé de nous envoyer de l’argent pour nous aider parce qu’ils n’étaient pas d’accord avec le fait qu’on ait empêché l’excision de notre fille.

“Souvent un garçon que tu ne connais même pas va t’attraper et te violer.”

En prison on nous tapait. On ne nous donnait pas assez à manger. On a souffert. Les femmes y sont très mal traitées. Souvent un garçon que tu ne connais même pas va t’attraper et te violer. Si tu refuses, il te tue. Tu ne peux rien faire. Tu n’as aucun moyen de te défendre.

Souvent, mon mari se faisait attraper sans raison et après il fallait qu’il paye pour sortir. Il a passé beaucoup de temps en prison, avec nous aussi. On pouvait passer trois, cinq mois en prison. En Libye, j’étais obligée de me déplacer avec mon enfant, du coup quand on se faisait attraper, c’était avec elle. J’ai été trois fois en prison avec mon bébé.

Mon mari se débrouillait pour travailler quand il n’était pas enfermé, on payait avec cet argent pour sortir de prison. Il travaillait dans le bâtiment. Il était obligé de le faire pour nourrir sa famille, parce que pour les femmes c’est difficile de travailler là-bas. Tout le monde n’était pas mauvais en Libye. Parfois, certaines personnes le payaient pour son travail, mais souvent il travaillait mais on ne le payait pas.

“On était obligés d’essayer de fuir par la mer”

Prendre la mer Méditerranée, ce n’était pas facile. J’avais très peur. C’était notre quatrième tentative de fuite par la mer. A chaque fois qu’on s’est fait attraper, on a été amenés en prison avec notre bébé, quand elle avait à peine quelques mois. On nous frappait. Mais on était obligés d’essayer de fuir par la mer, on ne pouvait pas retourner chez nous. Si on retournait chez nous, notre fille aurait été excisée.

On nous a lancés entre 22h et 23h. Vous imaginez tout ce temps sur l’eau ? [NDLR : le sauvetage a eu lieu le lendemain, mercredi 19 février 2020, entre 10h30 et 12h45.]  Beaucoup de prières. On pleurait, pleurait. Avec les enfants en plus. C’était difficile. On pense à tout. On pourrait mourir en mer. Moi en tout cas, je préférais me noyer plutôt que d’être attrapée par les Libyens [NDLR : Maïmouna parle ici des garde-côtes libyens]. Quand on nous attrape, c’est pour nous maltraiter.

La mer n’est pas facile à traverser, surtout sur des petits canots pneumatiques. Mais on était obligés de faire comme ça. Tout le monde n’a pas la même vie. Moi, j’ai été obligée de faire ça. Je ne veux pas que ma fille soit excisée, elle aussi. Pour mon enfant, je suis capable de tout. Pour moi, une mère doit prendre la défense de son enfant. Mon mari est pareil. Il dit : « ce qui est arrivé à sa femme ne doit pas arriver à son enfant. »

On est prêts à mourir pour protéger notre enfant. C’est pour elle qu’on a fait tout ça. Pour la protéger. »

Témoignage recueilli à bord de l’Ocean Viking par Laurence Bondard le 20 février 2020

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Ibrahima*

« Nous étions 85 personnes à partir de Libye, quatre femmes et un bébé. Après deux jours, notre moteur est tombé en panne. Ce n'était pas facile. J'ai vu tant de mes ami.e.s mourir. Certaines personnes devenaient folles. »

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