« Les vagues étaient plus hautes que le pont du navire ! » – Claire Juchat, chargée de communication à bord de l’Ocean Viking
9 décembre 2021

En octobre et novembre 2021, dans la tempête et sous les pluies glaciales, Claire a filmé et photographié le quotidien des équipes de sauvetage et des personnes rescapées à bord du navire de SOS MEDITERRANEE.
 

Quand j’étais petite, je voyais la Méditerranée comme une surface liquide bleue et immobile, synonyme de vacances et de joie. J’ai appris au fil des années – et j’ai pu en faire l’expérience récemment à bord de l’Ocean Viking – que la Méditerranée peut se réveiller et exploser à tout moment.

Ainsi, quand nous avons quitté Naples en direction de la Méditerranée centrale fin octobre, un « medicane » – un ouragan méditerranéen – frappait la côte sicilienne. Il nous a obligé.e.s à nous abriter au port pour éviter de naviguer dans des creux de sept mètres.

Quelques jours plus tard, alors que nous voguions en pleine nuit, des vagues de quatre mètres se sont mises à frapper l’Ocean Viking. Ces masses d’eau balayaient le pont en bois du navire sur lequel se trouvaient plus de 300 personnes secourues au cours de quatre sauvetages. Les rescapé.e.s qui y dormaient se sont réveillé.e.s complètement trempé.e.s, glissant sur la surface mouillée. Toute la nuit, circulant entre ces personnes, nous nous sommes relayé.e.s. pour leur fournir des couvertures sèches, des vêtements et des bonnets de laine. A l’aube, la mer s’est enfin calmée.

Une photographie ne rend jamais justice à l’ampleur de telles conditions météorologiques : le vent et les embruns qui vous giflent, le bruit, l’eau qui vous trempe de la tête aux pieds, le navire qui monte et descend inlassablement et qui passe de tribord à bâbord, le regard des personnes secourues, étonnées de se réveiller dans une tempête. La photo ci-dessus n’est qu’un pâle aperçu de cette réalité.

Je savais que nous étions en sécurité, malgré le mauvais temps, sur un navire robuste comme l’Ocean Viking. Mais je ne pouvais m’empêcher de penser au sort des personnes qui tenteraient la dangereuse traversée depuis la Libye sur des embarcations fragiles, livrées à ce monstre déchaîné. Elles n’auraient aucune chance de survivre. Savoir que certaines personnes sont obligées de fuir sur d’aussi frêles esquifs est une réalité cruelle avec laquelle il me faudra vivre.

Photo : Claire Juchat / SOS MEDITERRANEE