Alors que les mesures de confinement liées au Covid-19 sont progressivement levées dans toute l’Europe, SOS MEDITERRANEE met en garde contre les conséquences mortelles d’une lacune toujours croissante en matière de sauvetage en Méditerranée centrale et appelle à une action européenne immédiate et coordonnée.
Crédits photo : Yann Levy / SOS MEDITERRANEE
SOS MEDITERRANEE, une association civile européenne de sauvetage en mer, est le témoin d’une aggravation progressive de la crise humanitaire en Méditerranée centrale au cours des quatre dernières années. Cette situation chaotique atteint aujourd’hui des niveaux sans précédent.
Plus de 400 rescapés laissés en suspens au large de Malte
Plus de 400 personnes secourues sont actuellement bloquées en mer, en dehors des eaux territoriales maltaises, sur quatre bateaux de croisière touristiques privés affrétés par le gouvernement maltais. Certains de ces rescapés, qui ont enduré des voyages excessivement périlleux après avoir fui une violence et des abus extrêmes en Libye, sont retenus à bord de ces bateaux – qui ne sont pas adaptés aux longs séjours – depuis plus d’un mois. Au lieu d’être débarqués dans un lieu sûr comme l’exige le droit international, ces rescapés sont utilisés à des fins de négociations politiques entre les États membres de l’Union européenne, qui, malgré l’urgence de la situation, n’ont pratiquement proposé aucune solution coordonnée pour leur relocalisation.
Malgré la pandémie de Covid-19 et l’absence de navires de sauvetage des ONG en mer depuis début mai, les départs des côtes libyennes ne se sont pas arrêtés. Ils ont même augmenté ces dernières semaines. Les personnes qui fuient la Libye, un pays déchiré par la guerre, n’ont actuellement d’autre choix que de risquer leur vie en mer. De nombreuses embarcations de fortune ont récemment été signalées en détresse et plusieurs débarquements autonomes ont été enregistrés sur les côtes italiennes. En parallèle, plus d’une centaine d’autres rescapés attendent d’être débarqués d’un ferry utilisé pour leur mise en quarantaine, qui a été organisée par les autorités italiennes.
Les 7 et 8 avril, l’Italie et Malte ont officiellement déclaré leurs ports “non sûrs” en raison de l’urgence sanitaire liée au Covid-19. Entre-temps, les mesures de solidarité des autres États membres de l’Union européenne envers les États en première ligne, ainsi que les précédents accords de “relocalisation” des personnes secourues en mer, ont été suspendus. En outre, les deux seuls navires de sauvetage civils en activité ont été immobilisés par les autorités italiennes depuis plus de quatre semaines.
Retards dans les secours, non-assistance, absence de réponse aux appels de détresse, interceptions effectuées de manière non transparente par des navires privés et refoulements coordonnés…c’est une spirale de chaos et de mort qui se développe en Méditerranée centrale. Cette réalité terrible a atteint son point culminant lors de la tragédie de Pâques, lorsqu’une embarcation transportant 63 personnes est restée en détresse pendant plusieurs jours sans être secourue, avant d’être renvoyée en Libye. Pendant ces six jours en mer, cinq personnes sont mortes et sept autres sont portées disparues et sont présumées mortes par noyade.
Au cours des deux derniers mois, des centaines de personnes ont été interceptées et renvoyées de force en Libye, par les garde-côtes libyens et certains navires commerciaux, au mépris du droit international, ce pays n’étant pas un lieu sûr.
Peur des naufrages invisibles, “trou noir” en Méditerranée
L’absence de témoins en mer ainsi que le manque de communication publique concernant les opérations de sauvetage et les interceptions ont créé un vide inquiétant et les préoccupations concernant les “naufrages invisibles”, inconnus de la communauté internationale, s’accentuent.
« L’élargissement du trou noir mortel en Méditerranée, où des personnes disparaissent dans l’anonymat, est inacceptable. Il y a une urgence collective à ce que les pays de l’Union européenne organisent la solidarité. Cet été encore, la Méditerranée ne doit pas se transformer en une mer de mort et d’inhumanité », déclare Sophie Beau, co-fondatrice et directrice générale de SOS MEDITERRANEE.
SOS MEDITERRANEE lance un appel urgent aux Etats européens : ·
- Tous les rescapés bloqués au large de Malte doivent débarquer immédiatement dans un lieu sûr ;
- Les États européens doivent rétablir un mécanisme coordonné de relocalisation des personnes secourues en Méditerranée centrale ;
- Les États européens doivent de toute urgence mettre en place une opération de sauvetage en mer globale et efficace, dirigée par les États, qui respecte le droit maritime et sauve des vies en mer.
Alors que la crise humanitaire en Méditerranée centrale s’aggrave, SOS MEDITERRANEE reprendra ses opérations de sauvetage avec l’Ocean Viking le plus rapidement possible. Une équipe expérimentée, composée de professionnels de la recherche et du sauvetage ainsi que de personnels médicaux, se prépare à retourner en mer en prenant toutes les précautions nécessaires relatives à la pandémie de Covid-19, afin d’opérer en toute sécurité dans le contexte actuel.