Je retourne aux bureaux de SOS MEDITERRANEE à Marseille.
Je retrouve Sabine, en charge de l’évènementiel et m’installe dans son bureau.
Lendemain de 14 juillet, elle a les traits tirés, sans avoir fait la fête la veille.
« En bas de chez moi il y a une pizzeria, ils font karaoké, ça a duré toute la nuit …»
Si tous les évènements sont à l’arrêt depuis des mois à cause de la crise sanitaire, Sabine et son équipe « évènementiel » s’activent pour redémarrer dès que possible, suspendues aux décisions gouvernementales. Les évènements sont au cœur de l’activité de SOS MEDITERRANEE : sensibilisation, récolte de fonds, partenariats. C’est une grosse partie du carburant qui permet au bateau de sauver des vies en mer. Mais l’attente semble être devenue la norme, sur tous les plans.
Depuis février cette voie publique a été bâillonnée de fait. Tous les festivals, les rassemblements, les concerts, les expositions, les projections sont annulées, déplacées vers un horizon possible. Lointain. La rencontre humaine, l’échange, essentiels à l’humanitaire pour sauver des vies, ont été interdits… pour sauver des vies. Injustice de la justice.
Le premier évènement à venir aura lieu le 12 août, au MUCEM, le Musée des Civilisations de l’Europe et de la Méditerranée dominant la mer, à Marseille : lors du festival “Oh les Beaux Jours !”
Anna Mouglalis y lira le “Cahier de retour au pays natal” d’Aimé Césaire. Soutien indéfectible de SOS MEDITERRANEE, l’actrice a insisté pour que l’ONG soit présente sur la manifestation.
Sabine sait à quel point tous ces soutiens sont essentiels, pour la visibilité de l’ONG, son rayonnement, pour porter la voix vers de nouveaux publics, au-delà des possibles.
« On aura un stand, à minima, mais c’est déjà un début, ça permet d’être à nouveau présent. » Sabine fait contre mauvaise fortune bon cœur comme on dit élégamment. Normalement, le MUCEM peut accueillir mille personnes. Là, la jauge va être limitée à 220 spectateurs. Qui rentreront au goutte à goutte. Pendant que la mer déborde.
« 1000 euros ! »
Morgane déboule dans la pièce sans coup férir, virevoltant à la porte.
« Oui 1000 euros ! Une heure de négociation au téléphone avec Orange pour ça ! Voilà !»
Sabine raccroche le fil « La grande soirée de nos 5 ans prévue au théâtre de La Criée le 26 septembre, on voulait retransmettre l’ouverture en live pour toucher un maximum de monde, mais le théâtre n’est pas équipé à l’intérieur : il nous faut un branchement Ethernet, pour une heure. 1000 euros donc. Tu veux faire un peu de pub à Orange ? »
La couleur du sauvetage en mer. Internet pour tous.
Tous dans le même bateau, Ce qui reste de nous, À bord de l’Aquarius, CDs, recueils de poèmes, bandes dessinées, Sabine me montre les différents supports vendus au profit de SOS MEDITERRANEE.
« Je me rends partout normalement, dans toutes les antennes, pour former les gens sur la gestion des évènements. Qu’ils prennent le relai et soient autonomes, au final » Les formations de nouvelles équipes sont aussi à l’arrêt, sinon à distance.
Depuis deux jours, une vidéo circule sur les réseaux, une soirée en plein air à Nice avec le DJ The Avener rassemblant plus de 5000 personnes déchainées, bien loin des gestes barrières et des distances de sécurité. Validée par la mairie de Nice dans le cadre d’un « retour à la vie ».
« Dire qu’on avait notre plus grand évènement prévu au même endroit, avec Nekfeu, le 15 mai dernier… 9000 personnes étaient attendues. Annulée à cause du confinement. L’ironie de l’histoire veut que ce soient les mêmes organisateurs qui se soient occupé du dernier évènement. »
Le retour à la vie ne se fait pas à la même cadence pour tout le monde.