“La solidarité maritime est la valeur la plus importante en mer”
30 mars 2018

« Papa Panda » est officier mécanicien et pilote de RHIB [canot de sauvetage] à bord de l’Aquarius. Retraité de la marine militaire, puis officier de marine marchande, il est déjà, à 36 ans, un « vieux marin ». Depuis 2016, il est l’un des volontaires les plus récurrents et fidèles de la SAR Team – l’équipe de recherche et de sauvetage – de SOS MEDITERRANEE.

« J’ai fait ma première mission à bord de l’Aquarius au mois décembre 2016. En fait, j’ai entendu parler de ce bateau par hasard parce que je ne m’étais jamais particulièrement intéressé aux questions de migrations auparavant. J’étais en voiture, en route pour rejoindre le bateau sur lequel le travaillais, à Toulon, quand j’ai entendu un reportage sur l’Aquarius, un navire de marine marchande* qui faisait du sauvetage en haute mer… J’ai regardé sur Facebook pour avoir un peu plus d’informations. Ce que j’ai lu m’a intéressé et j’ai décidé de m’engager. A l’époque je naviguais à la semaine comme capitaine d’un bateau de marine marchande. Mon patron a également trouvé ce projet intéressant, alors il m’a proposé d’aménager mon temps de travail pour me permettre d’effectuer des rotations de 9 semaines à bord de l’Aquarius. Pour lui, « prêter un de ses marins », comme il disait.  C’était aussi une belle manière de participer à cette aventure. Aujourd’hui l’Aquarius représente pour moi un engagement à temps complet.

Un seul principe : la solidarité maritime

Je n’ai que 36 ans mais je navigue depuis 20 ans. J’ai participé à de nombreuses opérations de sauvetage. Pour moi la solidarité maritime est la valeur la plus importante en mer. Peu importe d’où viennent les gens, s’ils sont en détresse en mer, ils doivent être secourus. C’est sur cette seule foi que je me suis engagé à bord de l’Aquarius. Je ne suis pas un « humanitaire », au sens où quand les humanitaires se retrouvent, ils parlent d’humanitaire, de « projets » au Soudan ou au Nigéria… Nous, entre marins, quand on se retrouve, on parle de filets ou de moteurs de bateau. Ici, il y a beaucoup de gens différents, avec des parcours et des ressentis différents par rapport aux situations de naufrage. Personnellement, j’ai tendance à chasser les sauvetages de ma mémoire au fur et à mesure… Même si je n’oublierai jamais le premier.

C’était l’hiver, il pleuvait. On a porté secours à deux bateaux en bois, environ 500 personnes au total. Faire une « rescue » [sauvetage], c’est un vrai challenge professionnel : en tant que pilote de RHIB par exemple, j’ai des manœuvres difficiles à exécuter. Il faut être rapide, aborder le plus près possible du bateau en détresse mais sans le toucher pour ne pas le déstabiliser. D’une manière générale sur l’Aquarius on a besoin d’avoir la même discipline que sur n’importe quel autre bateau. On peut vivre de longs moments de calme, de détente mais il faut être prêt à l’action quand elle se présente.

« Papa Panda »

A bord j’avais reçu le surnom de « papa ours », à cause de mon caractère grognon, surtout le matin. Ça collait bien avec ma qualité d’officier mécanicien. Mon atelier c’est mon antre… Et puis c’est devenu « Papa Panda » parce qu’un jour, après une « rescue », j’avais deux grosses marques de lunettes de soleil autour des yeux. Mais une autre raison qui m’a valu ce surnom que j’aime bien, c’est que je m’efforce d’être à l’écoute des autres. La solidarité à bord d’un navire de sauvetage c’est essentiel. Même si l’on s’efforce de garder un regard professionnel, on vit des choses parfois éprouvantes physiquement et moralement. Il faut savoir se rendre disponible, trouver les mots de réconfort quand quelqu’un perd un peu le moral… avoir des petites attentions. L’Aquarius, c’est aussi une aventure humaine. On croise des gens de toutes nationalités que l’on n’aurait peut-être jamais rencontrés en d’autres circonstances de la vie. Et ensemble on participe à quelque chose d’utile et d’important. »

*les navires sont classés en 3 catégories : marine militaire, marchande et de plaisance. Tout navire n’étant ni militaire ni de plaisance est « marchand ».

Photo : Laurin Schmid / SOS MEDITERRANEE