« J’ai toujours voulu revenir à bord de l’Ocean Viking » Stefanie, cheffe d’équipe médicale
11 mars 2022

Sage-femme de profession, Stefanie travaille avec Médecins Sans Frontières (MSF), puis dans des centres d’accueil pour personnes demandeuses d’asile, avant de rejoindre le navire de SOS MEDITERRANEE en janvier 2018. De l’Aquarius à l’Ocean Viking, portrait d’un parcours d’engagement.
 

Stefanie a 33 ans, et elle est originaire de Krumbach, en Allemagne. Elle a travaillé comme sage-femme pour Médecins Sans Frontières (MSF) pendant de nombreuses années, dans différents contextes. En 2015, alors que de nombreuses personnes demandaient l’asile en Allemagne, Stefanie fait du bénévolat dans des centres d’accueil avec sa sœur, qui travaille aussi dans le secteur de la santé.
 

« Je voulais continuer à travailler dans le domaine de la migration au niveau européen. L’équipe MSF de l’Aquarius recherchait une sage-femme francophone en janvier 2018 et j’ai décidé de saisir cette opportunité. »
 

Stefanie travaille sur l’Aquarius jusqu’en mai 2018 et est témoin du transfert de la coordination des activités de recherche et sauvetage du Centre de coordination des secours italien (MRCC) aux garde-côtes libyens. « Mon expérience sur l’Aquarius a été très enrichissante, mais aussi un défi. Le MRCC assurait encore la coordination début 2018, mais de moins en moins au fil des mois. En mars, le MRCC nous a avertis de la présence d’une embarcation pneumatique en détresse. Quand nous avons atteint l’embarcation, nous voyions clairement à travers les jumelles qu’elle était très instable. Nous avons signalé le cas de détresse au MRCC. Après plusieurs appels sans réponse, ils ont demandé à l’Aquarius de rester en “stand-by” car les garde-côtes libyens arrivaient. Mais les garde-côtes ne sont pas arrivés avant plusieurs heures. Comme l’embarcation devenait de plus en plus instable et que la nuit tombait, nous avons informé le MRCC que nous allions donner des gilets de sauvetage aux personnes en détresse. Les garde-côtes libyens sont finalement arrivés sur les lieux. Les autorités nous ont donné le feu vert pour sauver uniquement les femmes, les enfants et les malades. Les garde-côtes libyens ont intercepté et ramené [en Libye] le reste des personnes en détresse. Nous avions d’autres rescapé.e.s à bord, et il a été difficile de maintenir le calme sur le navire après cet événement. »[1]
 

Alors que l’Aquarius fait face à des blocages administratifs au cours de l’été 2018, Stefanie part travailler en République démocratique du Congo avec MSF pendant six mois. En mai 2019, l’aménagement de l’Ocean Viking par SOS MEDITERRANEE et MSF débute en Pologne Stefanie est parmi les premières à être appelées pour aider à concevoir le module médical installé sur le navire, en capitalisant sur ses expériences à la fois médicales et de recherche et sauvetage acquises sur l’Aquarius. « Comme les ports italiens étaient encore fermés aux ONG à cette époque, nous nous attendions à devoir faire face à de longs blocages en Méditerranée centrale avant de pouvoir débarquer des rescapé.e.s. Nous nous sommes donc assurés d’avoir une salle d’observation, au cas où nous ne pourrions pas évacuer médicalement les gens, ou si nous avions des patient.e.s nécessitant des soins spécifiques pendant plusieurs jours ; d’avoir une morgue au cas où nous aurions des personnes décédées à bord et d’avoir un grand stock de médicaments. Nous avons également ajouté plus de douches et de lavabos à des fins d’hygiène. »

Stefanie participe à la première mission de l’Ocean Viking en août 2019. Après avoir effectué quatre sauvetages en quatre jours, le navire a dû attendre 14 jours avec 355 rescapé.e.s à bord avant de pouvoir débarquer [ndlr : le plus long blocage vécu par SOS MEDITERRANEE à ce jour]. « Nous n’avions aucune coordination de la part des autorités. Il faisait chaud, nous manquions d’eau et nous avons dû en produire davantage à partir du navire pour subvenir aux besoins de tou.te.s. Nous avons aussi repéré de nombreuses embarcations vides sans inscription[2], sans savoir ce qu’étaient devenus les gens à bord. »

Stefanie travaille dans un hôpital pendant un an après ses missions à bord de l’Ocean Viking, avant de rejoindre l’équipe du Geo Barents – le nouveau navire de MSF – en avril 2021. Après plusieurs missions sur le Geo Barents, Stefanie décide de revenir sur l’Ocean Viking en tant que cheffe d’équipe médicale pour SOS MEDITERRANEE, en février 2022. « J’ai toujours voulu revenir à bord de l’Ocean Viking. Lorsque je suis montée pour la première fois sur le navire, j’ai eu l’impression de rentrer à la maison.  J’ai été heureuse de voir que le module médical était presque le même qu’en 2019, avec quelques changements efficaces. Je suis étonnée de voir à quel point chaque membre de l’équipe à bord est expérimenté : ils connaissent les procédures, ils connaissent le navire, ils connaissent leur place. »

« Le contexte actuel est très différent de ce qu’il était en 2019. Les protocoles liés au COVID-19 sont un défi, mais je vois que l’équipe a établi les meilleures procédures possibles pour le navire. Il n’y a toujours pas de coordination des autorités de recherche et sauvetage en mer, mais j’espère que cela finira par s’améliorer. »

Photos : Hannah Wallace Bowman, Avra Fialas, Claire Juchat / SOS MEDITERRANEE

 


[1] Communiqué de presse à propos de ce sauvetage en mer : /sauvetages-010418

[2] Lorsqu’une embarcation est secourue par un navire de sauvetage, la mention « RESCUED » [secourue] est inscrite sur l’embarcation. Les embarcations vides et ne portant pas d’inscription représentent donc un potentiel naufrage.