#51 – Des fonctionnaires de l’UE et de Frontex accusé.e.s d’être impliqué.e.s dans des violations des droits humains en Méditerranée centrale

Cette publication de SOS MEDITERRANEE a pour but de faire le point sur les évènements qui se sont déroulés en Méditerranée centrale au cours des deux dernières semaines. Il ne s’agit pas de livrer une revue exhaustive des faits, mais plutôt de fournir des informations sur l’actualité de la recherche et du sauvetage dans la zone où nous intervenons depuis 2016, sur la base de rapports publiés par différentes ONG et organisations internationales ainsi que par la presse internationale.

Un petit garçon né sur le navire d’une ONG de sauvetage alors que des tentatives de traversées pour fuir la Libye se poursuivent au début de l’hiver. 

Le 1er décembre, environ 250 personnes ont été secourues par deux patrouilleurs des garde-côtes italiens. Selon le média Adnkronos, du 1er au 7 décembre, un total de 788 femmes, hommes et enfants ont été secouru.e.s par les garde-côtes italiens en Méditerranée centrale. Le 8 décembre, plus de 200 personnes dont 32 mineur.e.s ont été secourues par les garde-côtes italiens alors qu’elles se trouvaient dans deux embarcations en détresse.

Entre le 4 et le 6 décembre, le Geo Barents, navire humanitaire de Médecins Sans Frontières a secouru 254 femmes, hommes et enfants lors de trois opérations distinctes. Le 7 décembre, une femme a accouché à bord, puis a été évacuée avec son bébé et ses trois autres enfants en direction de  Lampedusa. Une autre femme enceinte de 9 mois a également été évacuée le même jour vers Malte.  Deux jours plus tard, un garçon de 14 ans voyageant seul a été évacué vers Sicile. Les 248 personnes secourues ont toutes débarqué à Salerne le 11 décembre. 

Au même moment, entre le 4 et le 6 décembre, 261 femmes, hommes et enfants ont été évacué.e.s par le navire Humanity 1 de l’ONG SOS Humanity, au cours de trois opérations menées en collaboration avec le navire Louise Michel. Le 11 décembre, tous.tes les rescapé.e.s ont débarqué à Bari, en Italie. Le 6 décembre, le Louise Michel a évacué 33 personnes d’une petite embarcation en bois. Deux jours plus tard, elles ont débarqué sur l’île de Lampedusa

À la suite de ces débarquements en Italie, Matteo Piantedosi, le ministre italien de l’intérieur, a déclaré que la décision avait été prise parce que « le mauvais temps qui s’approchait exposerait bientôt les personnes à bord à des risques ». Le 12 décembre, la chef du gouvernement italien, Giorgia Meloni, a annoncé que de « nouvelles règles » concernant ce sujet seraient communiquées la semaine suivante.

Retours forcés en Libye : de nouvelles enquêtes démontrent l’implication de l’agence européenne des frontières Frontex

Le journal français Le Monde a publié le 24 novembre une enquête identifiant l’origine de sept images aériennes publiées par les garde-côtes libyens sur leurs pages Facebook. Selon le média français, elles ont été prises par des équipements de surveillance de Frontex et soulignent comment « es activités de l’agence européenne facilitent les interceptions illégales des Libyens en Méditerranée alors que Frontex a toujours affirmé qu’elle ne collaborait pas avec les garde-côtes libyens. » 

Le 12 décembre, l’ONG Human Rights Watch et l’agence Border Forensics ont publié un dossier de recherche multimédia démontrant que « la surveillance aérienne de Frontex permet des abus » en fournissant des informations de surveillance aérienne aux autorités libyennes dans le but d’intercepter des personnes fuyant des abus en Libye, sachant qu’après leur interception, elles seront renvoyées en Libye.

Aucune interception et aucun retour forcé vers la Libye n’ont été enregistrés par l’Organisation internationale des migrations (OIM) entre le 20 et le 26 novembre. Cependant, entre le 27 novembre et le 10 décembre, 1 712 hommes et femmes ont été intercepté.e.s par les autorités maritimes libyennes et renvoyé.e.s de force vers les côtes libyennes.

Le 29 novembre, un membre du Parlement tunisien a partagé une vidéo d’une interception violente en Méditerranée centrale par les garde-côtes tunisiens. Le même jour, une grande embarcation en bois avec 500 personnes a été interceptée au large de Tobrouk, dans l’est de la Libye. Selon l’Organisation internationale pour les migrations, les départs de la côte orientale de la Libye sont plus fréquents depuis le début de l’été. 

Sauvetages au large des côtes maltaises et libyennes Des fonctionnaires de l’UE accusés d’avoir pris part à des crimes contre l’humanité en Méditerranée centrale

Le 29 novembre 2022, des hauts fonctionnaires des États membres de l’UE et des autorités européennes, dont l’ancienne cheffe de la politique étrangère de l’UE, Federica Mogherini, l’actuel et l’ancien ministre de l’intérieur de l’Italie, l’actuel et l’ancien premier ministre de Malte, et l’ancien directeur exécutif de l’agence européenne de gestion des frontières Frontex, Fabrice Leggeri ont été désignés comme étant les sujets d’une communication adressée à la Cour pénale internationale (CPI) par l’ONG allemande Centre européen pour les droits constitutionnels et les droits de l’homme (ECCHR), qui demande l’ouverture d’une enquête. L’agence de l’UE et les fonctionnaires des États membres sont accusé.e.s d’avoir commis plusieurs « crimes contre l’humanité sous la forme d’une privation grave de liberté physique » entre 2018 et 2021 en élaborant et en mettant en œuvre des politiques qui participent à l’interception d’embarcations en Méditerranée et à des retours forcés de personnes en détention en Libye.

Un “plan d’action” pour la Méditerranée centrale approuvé par l’Union européenne

Le 25 novembre dernier, le Conseil de l’Union européenne a approuvé le plan d’action présenté par la Commission européenne pour la Méditerranée centrale proposant une série de 20 mesures dont les objectifs affichés sont de : « réduire la migration irrégulière et dangereuse, apporter des solutions aux nouveaux défis dans le domaine de la recherche et du sauvetage et renforcer la solidarité équilibrée face à la responsabilité entre les États membres. » Le 1er décembre, l’ONG Human Rights Watch a décrit ces propositions comme « une autre occasion manquée pour l’Union européenne de réinitialiser ses politiques myopes et néfastes sur cette route migratoire cruciale. »

Le 23 novembre, l’OIM a publié une analyse du projet sur les migrants disparus. Depuis que le projet a commencé à documenter les décès en 2014, plus de 50 000 personnes ont perdu la vie au cours de mouvements migratoires. Plus de la moitié de ces décès (25 104) se sont produits en mer Méditerranée, dont 80 % ont été enregistrés sur la route de la Méditerranée centrale. Toutefois, ce sombre bilan est très probablement fortement sous-estimé en raison du nombre inconnu de naufrages sans témoin.