#37 Dans des conditions météorologiques critiques, plusieurs naufrages endeuillent la Méditerranée centrale

Cette publication de SOS MEDITERRANEE a pour but de faire le point sur les évènements qui se sont déroulés en Méditerranée centrale au cours des quatre dernières semaines. Il ne s’agit pas de livrer une revue exhaustive des faits, mais plutôt de fournir des informations sur l’actualité de la recherche et du sauvetage dans la zone où nous intervenons depuis 2016, sur la base de rapports publiés par différentes ONG et organisations internationales ainsi que par la presse internationale.

Près de 600 personnes secourues par des bateaux d’ONG et un navire marchand dans des conditions météorologiques difficiles

Les 23 et 25 mars, l’Ocean Viking a secouru 160 femmes, enfants et hommes sur deux canots pneumatiques en détresse dans la zone libyenne de recherche et de sauvetage. Au cours de la seconde opération, deux personnes ont été retrouvées mortes sur le pont de l’embarcation surchargée. En raison de conditions météorologiques extrêmes, l’équipe de sauvetage de SOS MEDITERRANEE n’a pu récupérer qu’un seul corps. Deux jours plus tard, une femme enceinte a dû être évacuée en urgence médicale par un hélicoptère des garde-côtes italiens. Le débarquement des rescapé.e.s et d’une personne décédée s’est achevé à Augusta, en Sicile, le 29 mars.

Le même jour, le Géo Barents de Médecins Sans Frontières a secouru 113 personnes sur un canot pneumatique en détresse. Cette opération critique a été menée dans des conditions météorologiques difficiles. Plusieurs personnes ont été récupérées après être tombées par-dessus bord. Après onze jours d’attente avant qu’un lieu sûr soit désigné, toutes ont finalement pu débarquer à Augusta, en Sicile, le 10 avril.

Le 28 mars, d’après le Sea-Eye, le navire marchand Karina a secouru 32 personnes sur une embarcation en bois en détresse dans la zone libyenne de recherche et de sauvetage, dans des conditions de mer difficiles avec des vagues allant jusqu’à quatre mètres. Les rescapé.e.s ont été transféré.e.s sur le Sea-Eye 4 le lendemain. Le 31 mars, le Sea-Eye 4 a secouru 74 autres personnes sur une embarcation pneumatique en détresse. Les 106 rescapé.e.s à bord du navire ont débarqué à Augusta, en Sicile, le 6 avril.

Les 8 et 9 avril, le Sea-Watch 3 a secouru 211 personnes au cours de cinq opérations en 24 heures. Le quatrième sauvetage a été critique. Lorsque l’équipage du Sea-Watch est arrivé sur les lieux, le canot pneumatique en détresse avait coulé et tou.te.s les naufragé.e.s étaient à l’eau. 34 personnes ont pu être récupérées. Les rescapé.e.s ont signalé que 53 autres personnes se trouvaient initialement sur le bateau en détresse. Les jours suivants, cinq rescapé.e.s et un accompagnateur ont dû être évacué.e.s médicalement, les 10 et 11 avril. Quatre autres rescapé.e.s, « dans des conditions critiques », ont dû être évacué.e.s d’urgence le lendemain. Au 12 avril, les 201 rescapé.e.s restant à bord du Sea-Watch 3 attendent toujours la désignation d’un lieu sûr de débarquement.

Plusieurs naufrages tragiques signalés, et près de 900 personnes rescapées renvoyées illégalement en Libye

Selon l’Organisation internationale pour les migrations (OIM), 25 personnes ont péri en mer et 35 autres ont disparu à la suite d’un naufrage au large des côtes tunisiennes au cours du week-end du 19 mars.

Le 2 avril, Médecins Sans Frontières (MSF) a fait état d’un naufrage qui a fait plus de 90 morts. Quatre personnes rescapées ont pu être mises à l’abri d’un danger imminent en mer par le pétrolier Alegria 1. Cependant, le sauvetage ne s’est pas effectué conformément au droit maritime, car les personnes rescapées ont été renvoyées de force en Libye, qui ne peut pas être considérée comme un lieu sûr.

Le 11 avril, l'OIM a signalé un autre événement tragique, qui a coûté la vie à 18 personnes. Quatre corps ont été retrouvés et 14 autres sont portés disparus à la suite du naufrage d’une embarcation en bois au large de Surman, en Libye, le 10 avril. Vingt personnes étaient signalées à bord du canot en détresse, seules deux ont survécu.

Depuis le début de l’année, l’OIM a recensé au moins 475 personnes disparues en tentant de traverser la Méditerranée centrale.

Selon cette même organisation, au cours des quatre dernières semaines 862 personnes ont été interceptées par les garde-côtes libyens et illégalement renvoyées en Libye : 3 entre le 13 et le 19 mars ; aucune du 20 au 26 mars ; 362 du 27 mars au 2 avril et 497 entre le 3 et le 9 avril 2022.

Plusieurs arrivées autonomes sur les côtes italiennes

Le mois dernier, l’agence de presse italienne Ansa a signalé plusieurs arrivées autonomes et sauvetages effectués par la Garde des finances italienne (Guardia di Finanza). Le 16 mars, 104 personnes ont été secourues par la section navale de la Guardia di Finanza et débarquées en  Calabre. Le 23 mars, près de 60 personnes ont été secourues à Lampedusa par la Guardia di Finanza. 

Les  8 et 9 avril, douze embarcations transportant en tout 510 personnes sont arrivées de manière autonome sur l’île de Lampedusa. Le lendemain, 172 personnes au total sont arrivées de manière autonome à Lampedusa à bord de deux embarcations.

Un rapport sur les violations des droits humains en Libye

Le 28 mars, la mission d’enquête indépendante créée par le Conseil des droits de l’homme de l’ONU a publié un rapport de suivi sur la Libye. Ce nouveau rapport dénonce une pratique « généralisée et systématique » de la torture dans les centres de détention en Libye.

En outre, des enquêteurs de l’ONU ont été nommés pour vérifier « les découvertes de fosses communes qui pourraient contenir des cadavres de migrants dans une région de trafic en Libye ». Selon l’agence de presse Reuters, plusieurs migrants ont déclaré à la commission d’enquête de l’ONU qu’il existait des « fosses communes » dans la ville désertique de Bani Walid. 

Le 30 mars, l’Allemagne a annoncé que son armée n’entraînerait plus les garde-côtes libyens « en raison de préoccupations concernant leur façon de traiter les migrants ».

PHOTO : Kevin Mc Elvaney / SOS MEDITERRANEE