Un portrait

Une histoire

Joseph*

14/02/2023

Date de sauvetage

« Parfois, si vous ne payez pas, ils vous torturent, parfois, ils peuvent même vous rendre aveugle. »

Certaines personnes secourues par nos navires présentent des symptômes de stress post-traumatique dus à une longue période passée en Libye. D’autres rapportent à notre équipe médicale des cas de torture et de violence. Joseph*, rescapé à bord de l’Ocean Viking, s’est dit « traumatisé par les choses [qu’il] y a vues ». Alors que le navire navigue vers le port éloigné de Ravenne avec 84 personnes rescapées à bord qui tentent de se rétablir, Joseph* revient sur cet « enfer libyen » qu’il a fui par la mer.

 

Je fais des cauchemars à cause des horreurs que j’ai vues [en Libye]. Je suis traumatisé par les choses que j’ai vues. J’en fais des cauchemars. Parfois, les rêves semblent réels, comme si j’étais dans la vraie vie. Lorsque les garde-côtes libyens attrapent des personnes en Méditerranée, ils ne les renvoient pas vraiment, mais ils les gardent en prison**, et demandent une rançon. Ainsi, lorsque la plupart de ces gens quittent leur foyer en raison de mauvaises conditions et n’ont pas d’argent pour payer, alors, ils les gardent là. Certaines des personnes que j’ai rencontrées sont devenues délirantes. Elles ne connaissent plus la gauche ou la droite. Elles sont devenues folles à cause des mauvaises conditions de la prison. Je ne suis pas allé dans ces prisons**, mais j’ai vu les gens. J’ai donc vu les horreurs, les dégâts qu’ils infligent aux gens. J’ai eu peur quand j’ai vu les horreurs qu’ils font subir aux personnes capturées par les garde-côtes libyens.  

J’étais effrayé, terrifié à l’idée de me faire attraper. Et si je me faisais prendre ?

Que ferais-je ? Comment vais-je payer cette énorme somme d’argent ? Je pense qu’ils demandent jusqu’à 2 000 ou 1 500 euros pour une personne. Comment vais-je payer tout cet argent pour être libéré ? Parfois, si vous ne payez pas, ils vous torturent, parfois, ils peuvent même vous rendre aveugle. J’ai vu quelqu’un qui s’est fait arracher un œil. Ils font un appel vidéo, ils envoient à sa famille et les laissent regarder son œil : un œil est parti et il en reste un. Ils doivent envoyer de l’argent [pour qu’ils n’arrachent pas son 2e œil].

 

 

*Le nom a été changé pour protéger l’identité du rescapé.

** Les rescapés parlent souvent de « prisons » lorsqu’ils évoquent les détentions arbitraires dans les centres de détention informels.

Derniers témoignages

Ibrahima*

« Nous étions 85 personnes à partir de Libye, quatre femmes et un bébé. Après deux jours, notre moteur est tombé en panne. Ce n'était pas facile. J'ai vu tant de mes ami.e.s mourir. Certaines personnes devenaient folles. »

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